Nouveaux tarifs américains : impact sur le secteur forestier canadien
Les nouveaux tarifs douaniers imposés par Washington viennent alourdir considérablement le coût du bois canadien aux États-Unis.Le conflit commercial autour du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis vient de franchir un nouveau cap. Fin septembre, le président américain Donald Trump a décrété, au nom de la sécurité nationale (article 232 du Trade Act), des droits de douane additionnels de 10 % sur le bois d’œuvre résineux canadien et de 25 % sur certains produits en bois rembourrés (meubles rembourrés, armoires de cuisine et meubles-lavabos). Cette surtaxe de 10 % porte à 45 % le total des droits imposés sur le bois d’œuvre canadien entrant aux États-Unis (en incluant les droits compensateurs et antidumping déjà en place). Quant aux meubles de bois, frappés à 25 %, les tarifs pourraient même grimper début 2026 : dès le 1er janvier, les meubles rembourrés et meubles-lavabos pourraient être taxés à 30 %, et les armoires de cuisine à 50 % pour les pays n’ayant pas conclu d’accord commercial d’ici là.Du côté canadien, la réaction est vive. Ce durcissement est vécu comme un « second coup de massue » par l’industrie forestière, déjà lourdement pénalisée par la hausse des droits plus tôt dans l’année (de 20 % à 35 % cet été sur le bois d’œuvre). Environ 75 % du bois d’œuvre canadien exporté prend la route du marché américain, pour une valeur annuelle dépassant les 10 milliards $. Des hausses tarifaires de cette ampleur menacent donc directement la compétitivité et l’emploi dans le secteur. « L’industrie du bois et du meuble craint des pertes d’emplois massives et une baisse de compétitivité », rapporte-t-on, notamment dans les provinces du Québec et de la Colombie-Britannique, où ces industries sont très présentes. Gilles Pelletier, président de l’Association des fabricants de meubles du Québec, dénonce des justifications infondées : selon lui, évoquer la sécurité nationale « n’a aucun fondement, c’est totalement ridicule », d’autant que des essences américaines (ex. le noyer) sont utilisées dans les meubles québécois exportés vers les États-Unis. Du côté américain, certains acteurs dénoncent également ces mesures : l’association des constructeurs prévient qu’elles pourraient renchérir le coût de construction d’une maison neuve d’environ 2 200 $ US en moyenne.Cette nouvelle escalade, justifiée par Washington au nom de la protection de la capacité industrielle et de la défense nationale américaines, prolonge une querelle vieille de près de 40 ans. Depuis les années 1980, le bois d’œuvre est source de litiges récurrents : les États-Unis reprochent au Canada de subventionner indirectement ses producteurs (puisque la majorité des forêts canadiennes sont publiques, le bois étant vendu via un système de redevances qu’ils jugent trop basses). Le Canada a remporté la plupart des décisions devant les instances commerciales internationales sur ce dossier, mais le différend ressurgit périodiquement faute d’un accord durable.Face à cette situation, les autorités canadiennes cherchent à atténuer le choc. Le gouvernement fédéral a annoncé la suspension de certains contre-tarifs canadiens pour apaiser les tensions commerciales. Il a aussi lancé des programmes d’aide aux entreprises et travailleurs touchés : par exemple l’Initiative régionale de réponse tarifaire (IRRT), déployée via les agences de développement régional, vise à soutenir financièrement les PME affectées par les tarifs américains. Ottawa encourage en parallèle l’utilisation de matériaux canadiens dans les projets nationaux (« bâtir canadien d’abord »), notamment via un engagement à privilégier le bois canadien dans les marchés publics de construction. Enfin, un appel à consultations a été lancé pour explorer la diversification des débouchés hors du marché américain, ainsi que des négociations potentielles dans le cadre de l’ACEUM.Dans ce contexte tendu, chaque province forestière du Canada vit des réalités particulières. Les chapitres suivants dressent le portrait du secteur forestier dans quatre provinces clés – Colombie-Britannique, Québec, Alberta et Ontario – et mettent en lumière, pour chacune, une mesure de soutien (subvention ou programme d’aide) mise en place pour soutenir l’industrie.
Colombie-Britannique : un pilier en pleine transition
La Colombie-Britannique (C.-B.) possède l’une des industries forestières les plus importantes et diversifiées du pays. Berceau de géants du bois d’œuvre et de la pâte à papier, la province a longtemps été le premier producteur et exportateur de bois canadien. En 2024, le secteur forestier de la C.-B. employait directement ou indirectement plus de 50 000 personnes, et ses exportations de produits forestiers ont atteint 11,4 milliards $ sur les marchés mondiaux. Cette industrie représente un pilier économique, en particulier pour de nombreuses communautés rurales de l’intérieur et de la côte, où scieries et usines de panneaux sont souvent le principal employeur.Cependant, le secteur forestier britanno-colombien fait face à des défis majeurs depuis une décennie. D’abord, l’épuisement de la ressource en bois d’œuvre traditionnel commence à se faire sentir. La province a subi l’impact de catastrophes naturelles et biologiques : l’épidémie de dendroctone du pin (scarabée du pin ponderosa) a ravagé des millions d’hectares de forêts de pin dans les années 2000-2010, réduisant considérablement le volume de bois disponible. À cela se sont ajoutés d’énormes feux de forêt, dont les saisons incendiaires de 2017, 2018 et 2023 furent dévastatrices, affectant la ressource et les infrastructures forestières. Enfin, le gouvernement provincial a décidé en 2021 de protéger certaines forêts anciennes (old growth) en suspendant l’exploitation sur des zones écologiquement sensibles, ce qui diminue à court terme la possibilité de coupe. En conséquence, les volumes annuels de récolte ont été revus à la baisse. Alors qu’il y a quelques années on ciblait une récolte de 45 millions de m³, les projections officielles prévoient une chute à 29 millions de m³ d’ici 2027-2028, bien en deçà de la possibilité annuelle calculée (environ 60 millions de m³). Cette contraction de l’approvisionnement entraîne des fermetures de scieries et des pertes d’emplois dans plusieurs localités.À ces contraintes internes s’ajoutent les pressions commerciales externes. La Colombie-Britannique, principal exportateur de bois d’œuvre vers les États-Unis, est en première ligne du conflit sur le bois d’œuvre. Les nouveaux tarifs américains de 35 % (droits antidumping/compensateurs) puis l’ajout de 10 % de surtaxe portent un coup dur aux entreprises de la province, qui dépendaient déjà fortement du marché américain. L’association provinciale COFI (Council of Forest Industries) a exprimé son inquiétude face à cette « pression supplémentaire alors que l’industrie fait déjà face à des défis majeurs ». Les producteurs de C.-B. tentent de diversifier leurs marchés d’exportation (vers l’Asie en particulier, la Chine étant un débouché important pour le bois d’œuvre de qualité moindre), mais les États-Unis restent un client incontournable.Pour soutenir la transition du secteur forestier, plusieurs mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics. Le gouvernement de C.-B. cherche à stimuler la valeur ajoutée et l’innovation dans l’industrie du bois. À cet effet, il a lancé en 2024 le BC Manufacturing Jobs Fund (BCMJF), un fonds de 180 M$ visant à appuyer des projets industriels manufacturiers en région. Une part importante de ce fonds – plus de 22 M$ – est dédiée à des projets liés aux produits du bois, afin de moderniser les équipements, développer de nouvelles gammes de produits (bois d’ingénierie, bio-produits, granules, etc.) et construire des installations de transformation innovantes. « Nous constatons déjà l’impact du Fonds sur la croissance du secteur des produits du bois à valeur ajoutée en C.-B. : favoriser l’innovation chez nos fabricants locaux assure des emplois à long terme et un avenir durable pour le secteur forestier et les communautés qui en dépendent », souligne Brian Hawrysh, PDG de BC Wood.En parallèle, la province a mis en œuvre des programmes d’aide aux travailleurs touchés par les restructurations. L’une des subventions phares est le programme Bridging to Retirement (Transition vers la retraite), créé en 2019 et prolongé depuis. Il offre jusqu’à 75 000 $ aux employés et entrepreneurs forestiers admissibles, proches de la retraite, pour les inciter à quitter le marché du travail plus tôt. Ce programme vise à adoucir les impacts des fermetures d’usines en permettant aux travailleurs âgés de partir dans des conditions dignes, tout en libérant des postes pour une relève plus jeune ou en facilitant la consolidation des effectifs. À plus long terme, la Colombie-Britannique investit également dans la formation et la requalification : des fonds provinciaux et fédéraux soutiennent la formation aux nouvelles technologies forestières et la reconversion des travailleurs vers des secteurs émergents (par exemple la bioénergie, les produits forestiers innovants).En dépit de ces défis, l’industrie forestière de C.-B. demeure un pilier économique. Elle se réinvente graduellement pour s’adapter à un nouveau paradigme : moins de volume de coupe, mais plus de transformation locale et de produits à haute valeur ajoutée. La province mise sur la gestion durable de ses forêts publiques, qui couvrent une grande partie du territoire. D’ailleurs, plus de 94 % des forêts exploitables de C.-B. sont certifiées durables par des organismes indépendants, un atout pour la commercialisation à l’international. Le gouvernement provincial poursuit également ses négociations avec Ottawa pour obtenir un appui dans le conflit du bois d’œuvre, tout en espérant la conclusion d’un nouvel accord avec Washington qui pourrait stabiliser l’accès au marché américain à l’avenir.
Québec : une industrie diversifiée sous le choc des tarifs
Le Québec abrite un secteur forestier riche et diversifié, couvrant aussi bien la production de bois d’œuvre que de pâtes et papiers, de panneaux, et même la fabrication de meubles. La province exploite vastement ses forêts publiques (forêts du domaine de l’État) – environ 90 % des récoltes – via un régime de concessions et de droits de coupe réglementés. Historiquement, le Québec a toujours été l’un des poids lourds canadiens du bois : aujourd’hui encore, il représente le tiers des emplois forestiers du pays, soit la plus grande part parmi les provinces. On estime qu’environ 60 000 Québécois travaillent directement dans l’ensemble de la filière forêt-bois (incluant l’exploitation forestière, les scieries, les usines de panneaux, les papetières et les manufactures de produits en bois). Le tissu industriel est composé de multinationales (Résolu/Domtar, Produits forestiers Canadien Pacifique, etc.) mais aussi de nombreuses PME régionales.L’importance du secteur forestier québécois se mesure également en chiffres d’affaires : à lui seul, il génère des milliards de dollars de revenus d’exportation chaque année (le bois d’œuvre résineux représentait 10,1 G$ d’exportations canadiennes en 2020, dont une large part provenait du Québec) et alimente un écosystème manufacturier diversifié. Le Québec se distingue en effet par une forte activité de deuxième transformation du bois. Notamment, l’industrie du meuble y occupe une place prépondérante à l’échelle nationale. En 2021, l’industrie québécoise de l’ameublement comptait près de 1 275 entreprises employant environ 25 000 travailleurs, ce qui correspond à 45 % des emplois du secteur du meuble au Canada. Ce segment, tourné tant vers le marché intérieur que l’export (principalement vers les États-Unis), génère plus de 4 G$ de ventes annuelles au Québec.L’annonce des nouveaux tarifs américains a donc provoqué une vive inquiétude au Québec, où l’on craint un double impact : d’une part sur les exportateurs de bois d’œuvre (scieries, producteurs de bois de construction), d’autre part sur les fabricants de meubles et d’armoires de cuisine. « Le meuble, il s’en produit partout au Québec […] L’industrie du meuble est surtout présente dans de petites communautés, souvent avec plusieurs membres d’une même famille dans la même usine. C’est ça qui est dommage [avec ces tarifs] », témoigne Gilles Pelletier, soulignant l’impact social potentiel des mesures américaines. Pour les scieurs québécois, la surtaxe de 10 % s’ajoute aux droits compensateurs/dumping déjà en place depuis 2017, ce qui porte à environ 40-45 % le prélèvement total sur la valeur de leurs expéditions de bois d’œuvre vers les États-Unis – un niveau inédit dans l’histoire de ce conflit.Face à cette situation, l’industrie québécoise et le gouvernement provincial ont réagi sur plusieurs fronts. Québec dénonce le caractère « injustifié » des tarifs américains, rappelant que le régime forestier provincial a été largement revu en 2013 pour se conformer aux pratiques de marché (vente du bois aux enchères, etc.). De plus, le Québec fait valoir que son bois n’est pas en surplus sur le marché américain, mais au contraire complémentaire à la production américaine : « On ne pourra jamais totalement se passer du marché américain, pas plus que les Américains ne pourront se passer du bois canadien », résume Vincent Miville, directeur de la Fédération des producteurs forestiers du Québec. Ce rappel de l’interdépendance vise à encourager la recherche d’une entente négociée.Sur le plan des mesures concrètes, le gouvernement du Québec a annoncé en octobre une série d’initiatives pour soutenir ses entreprises forestières. Tout d’abord, des actions défensives visent à faire pression économiquement : Québec a par exemple retiré certains produits américains (alcools) des succursales de la SAQ en guise de représailles symboliques, et envisage d’imposer des pénalités sur les contrats publics remportés par des fournisseurs américains ne possédant pas d’établissement au Québec. Parallèlement, Québec cherche à diversifier les débouchés de son industrie forestière hors du marché américain. Une cellule spéciale a été créée pour explorer de nouveaux marchés internationaux pour le bois d’œuvre québécois, et un programme intitulé PANORAMA a été lancé afin d’aider les entreprises à intensifier leurs exportations vers d’autres pays (prospection commerciale, soutien logistique, etc.). L’objectif est de réduire la dépendance à l’égard du voisin américain à moyen terme, en développant des marchés en Asie, en Europe ou ailleurs pour les produits de bois québécois.En outre, Québec mise sur l’innovation et la montée en gamme de ses produits forestiers. Une mesure-clé en ce sens est la bonification du Programme Innovation Bois (PIB), un programme provincial de subventions destiné à soutenir la modernisation et la transformation avancée dans l’industrie du bois. En mai 2025, le gouvernement du Québec a injecté 25,5 M$ supplémentaires sur trois ans pour renforcer ce programme. Depuis 2022, le PIB avait déjà investi 75 M$ dans 83 projets d’innovation un peu partout au Québec. Ces projets incluent la construction ou la conversion d’usines, la diversification de la production (par exemple vers des produits de bois d’ingénierie, des biocarburants, des bioplastiques) ainsi que la robotisation et l’automatisation des procédés. L’objectif affiché est d’assurer la pérennité et le développement du secteur forestier québécois en le rendant plus productif, plus innovant et mieux armé face aux aléas des marchés internationaux. Un exemple concret financé via ce programme est l’appui à l’usine Cascades de Cabano, dans le Bas-Saint-Laurent, pour la conversion de sous-produits (liqueur d’hémicellulose) en biostimulant agricole – une innovation qui pourrait ouvrir de nouveaux débouchés.Parallèlement, Québec continue d’investir dans la formation de la main-d’œuvre et la promotion des métiers de la forêt, pour pallier le défi du renouvellement générationnel (de nombreux travailleurs forestiers expérimentés partiront à la retraite dans les prochaines années). Des budgets ont été alloués pour former ou requalifier des employés affectés par les ralentissements, et pour attirer de nouveaux talents, notamment dans les domaines de la foresterie durable et de la transformation à valeur ajoutée. Enfin, le gouvernement québécois collabore étroitement avec Ottawa dans la défense juridique du dossier du bois d’œuvre (en appuyant les recours du Canada devant les tribunaux américains et l’OMC) et réclame la mise en place de compensations fédérales pour les entreprises touchées par les tarifs.Ainsi, malgré la tempête actuelle, le Québec s’emploie à renforcer la résilience de son secteur forestier. Fort de son intégration verticale (de la forêt au meuble) et de ses ressources abondantes en bois résineux et feuillu, il vise à positionner son industrie sur des créneaux porteurs (construction verte en bois, bioéconomie forestière, etc.), tout en espérant une désescalade du conflit commercial avec les États-Unis.
Alberta : maximiser la ressource et soutenir les communautés
En Alberta, province surtout connue pour son industrie pétrolière, le secteur forestier occupe malgré tout une place notable, en particulier dans le nord et l’ouest du territoire. Les vastes forêts boréales et subalpines albertaines fournissent du bois d’œuvre (épinette, pin, sapin) et du bois de pâtes, exploités par plusieurs scieries et usines de panneaux/pâte dispersées dans la province (régions de Grande Prairie, Peace River, Athabasca, etc.). Bien que son ampleur soit moindre qu’en C.-B. ou au Québec, l’industrie forestière de l’Alberta contribue significativement à l’économie rurale : on estime qu’elle représente un impact économique de plus de 14 milliards $ et soutient plus de 30 000 emplois (directs et indirects) dans la province. Environ 70 communautés albertaines dépendent de façon importante des activités forestières – que ce soit la récolte forestière, la transformation du bois ou les services liés.L’Alberta gère ses forêts publiques (qui couvrent la majeure partie du territoire forestier) via des accords d’aménagement forestier à long terme accordés à des compagnies (Forest Management Agreements). Ces ententes obligent les entreprises à pratiquer une foresterie durable, incluant la régénération des sites coupés, la protection de la faune (ex. habitats du caribou des bois) et l’utilisation intégrale de la ressource (valorisation des copeaux, sciures, etc.). D’ailleurs, environ 96 % des forêts exploitées en Alberta sont certifiées durables selon l’AFPA (association des produits forestiers de l’Alberta). L’industrie s’efforce de respecter des normes environnementales strictes, ce qui confère aux produits de bois albertains une bonne réputation sur le marché mondial en termes de durabilité. En 2024, les exportations de produits forestiers de l’Alberta ont dépassé 4 milliards $– principalement à destination des États-Unis, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud. Le secteur a généré environ 7,5 milliards$ de revenus en 2024 et investi 6,5 G$ dans ses installations durant la dernière décennie, signe d’une modernisation continue.Néanmoins, l’industrie forestière albertaine doit relever certains défis spécifiques. L’un des plus pressants est la menace du dendroctone du pin ponderosa (mountain pine beetle). Ce ravageur, qui a ravagé les forêts de C.-B., s’est propagé dans l’ouest de l’Alberta (région de Hinton, Jasper, etc.), tuant des millions de pins tordus. Pour contenir l’infestation et protéger ses forêts de pins encore saines (notamment vers le nord-est), la province a déployé un Programme de lutte contre le dendroctone du pin. Ce programme finance des opérations de surveillance, d’abattage et de brûlage des arbres infestés, ainsi que des recherches sur les méthodes de contrôle biologique. C’est un enjeu crucial car la santé de la ressource forestière conditionne l’avenir de l’industrie locale. Par ailleurs, l’Alberta doit conjuguer exploitation forestière et protection de la faune emblématique (le caribou des bois, espèce menacée, dont l’habitat chevauche les zones forestières exploitées) : des plans de gestion de l’habitat du caribou ont été financés pour concilier foresterie et préservation (par exemple, le Caribou Habitat Recovery Program géré par l’association FRIAA).Sur le plan commercial, les tarifs américains sur le bois d’œuvre ont évidemment un impact sur les producteurs albertains, même si ceux-ci sont de taille plus modeste comparé aux géants de Colombie-Britannique. La plupart des scieries d’Alberta exportent une part importante de leur production aux États-Unis, et subissent donc les mêmes droits compensateurs (autour de 20 %) plus la nouvelle surtaxe de 10 %. Certaines ont dû ralentir la cadence ou diversifier leurs ventes vers le marché domestique canadien pour atténuer les pertes. L’Association albertaine (ASLTC) a salué en août 2025 l’intervention du fédéral pour soutenir le secteur : Ottawa a annoncé notamment 700 M$ en garanties de prêt pour les entreprises de bois d’œuvre et 500 M$ pour la diversification des produits et marchés, ainsi que 50 M$ pour la formation et le soutien du revenu de 6 000 travailleurs touchés. Ces mesures, bien que fédérales, ont été jugées cruciales pour les scieurs albertains, qui expédient l’essentiel de leur production vers le marché américain et se retrouvent pris en étau par les droits de douane.Au niveau provincial, l’Alberta concentre ses efforts sur la gestion durable et l’optimisation de la ressource. Un élément notable est l’existence de la Forest Resource Improvement Program (FRIP), un programme géré par l’Association FRIAA en partenariat avec le gouvernement. Ce programme, financé par des redevances spécifiques versées par l’industrie, sert à financer des projets qui améliorent la ressource forestière au-delà des exigences légales. Par exemple, FRIP subventionne des initiatives de reboisement additionnel, d’amélioration génétique des arbres, de recherche appliquée en sylviculture, de restauration d’habitats fauniques ou encore de lutte contre les maladies forestières. En soutenant ces activités supplémentaires, l’Alberta vise à accroître le rendement soutenu de ses forêts à long terme et à maintenir un environnement forestier résilient (ce qui bénéficiera tant à l’industrie qu’aux écosystèmes). Il s’agit là d’une forme de « réinvestissement » des revenus forestiers dans le capital naturel, souvent citée en exemple comme bonne pratique.En outre, la province encourage l’innovation industrielle via des partenariats et fonds dédiés. Par exemple, elle a collaboré avec le gouvernement fédéral sur des projets pilotes de bioéconomie forestière (production de biocarburants à partir de résidus de coupe, usines pilotes de bioplastiques dérivés de la fibre de bois, etc.). L’idée est de diversifier la gamme de produits issus de la forêt albertaine et de valoriser 100 % de la biomasse récoltée. À cet égard, on voit émerger en Alberta des usines de granulés de bois (exportés en Europe et en Asie comme combustible neutre en carbone) et des projets de cogénération énergétique alimentés par les sous-produits ligneux. Le gouvernement albertain, de son côté, s’est engagé à faciliter ces développements en réduisant la paperasserie administrative et en soutenant la formation de la main-d’œuvre spécialisée.En somme, le secteur forestier de l’Alberta, bien que plus modeste, joue un rôle crucial pour de nombreuses communautés et cherche à se positionner stratégiquement. La province mise sur une exploitation responsable de ses forêts, sur la diversification des marchés (les exportations albertaines ont d’ailleurs atteint des clients outre-Pacifique, signe d’une ouverture) et sur un soutien actif aux travailleurs et aux entreprises pour traverser les turbulences du conflit commercial. L’approche consiste à « développer plus avec moins » : maximiser la valeur tirée de chaque mètre cube de bois coupé, tout en assurant le renouvellement de la ressource pour les générations futures.
Ontario : moderniser l’industrie et pérenniser les emplois du Nord
L’Ontario, province la plus peuplée du Canada, est moins souvent associée à la foresterie que ses homologues de l’Ouest ou du Québec. Pourtant, son Nord ontarien abrite d’immenses forêts mixtes et boréales qui soutiennent une industrie forestière de premier plan. Historiquement, des villes entières du Nord de l’Ontario – de Thunder Bay à Kapuskasing, en passant par Kenora, Timmins ou Cochrane – se sont développées autour des scieries et des usines de pâtes et papiers. Aujourd’hui, l’Ontario dispose toujours d’un vaste complexe forestier : exploitation du bois d’œuvre résineux et feuillu, fabrication de contreplaqués et de panneaux OSB, papeteries produisant du papier journal et du papier d’emballage, sans oublier des entreprises de seconde transformation (planchers, moulures, etc.). Ce secteur demeure vital pour l’économie régionale du Nord et de l’Est ontarien. En 2023, le secteur forestier de l’Ontario a généré 21,6 milliards $ de revenus de ventes de produits manufacturés et de services, et il supportait en 2024 plus de 128 000 emplois (directs et indirects) à travers la province. Ces chiffres témoignent du poids de la filière bois ontarienne, souvent sous-estimé : l’Ontario compterait ainsi, selon ces estimations, la plus grande quantité d’emplois liée à la foresterie parmi les provinces canadiennes (incluant les nombreux postes indirects dans le transport, les services d’ingénierie forestière, etc.).Le secteur forestier ontarien a toutefois traversé des périodes difficiles au cours des dernières décennies. Dans les années 2000, la concurrence accrue, la hausse du dollar canadien et le déclin de la demande de papier journal ont entraîné la fermeture de plusieurs moulins à papier et scieries. Des localités comme Smooth Rock Falls ou Red Rock ont vu leur usine fermer, causant un choc économique local. Néanmoins, l’industrie s’est restructurée : les usines restantes sont devenues plus productives et se sont reconverties vers des produits en croissance (par exemple le papier d’emballage pour le commerce en ligne, ou les panneaux OSB pour la construction). Par ailleurs, de nouveaux investisseurs ont repris certains sites (par ex. l’usine de pâte de Dryden ou des scieries dans la région d’Atikokan), redonnant un souffle à l’activité.Sur le front commercial, l’Ontario – comme les autres provinces – subit l’impact des tarifs américains sur le bois d’œuvre, étant exportatrice de bois résineux vers les États-Unis. Des entreprises comme GreenFirst (qui exploite d’anciennes scieries de Rayonier situées à Cochrane, Kapuskasing, Hearst…) ou Resolute Forest Products (actuellement intégrée à Domtar) sont concernées par ces droits. Le gouvernement ontarien a exprimé ses préoccupations, soulignant que ces tarifs menacent des communautés entières du Nord dont l’économie dépend du bois. En réaction, l’Ontario a engagé un dialogue rapproché avec Ottawa pour coordonner la réponse (par exemple, l’Ontario souhaite s’assurer que les fonds de soutien fédéraux sont accessibles à ses entreprises et travailleurs).Surtout, la province a déployé ses propres programmes pour soutenir et moderniser son industrie forestière. Une mesure emblématique est le Forest Sector Investment and Innovation Program (FSIIP), un programme de subventions provinciales destiné à stimuler la compétitivité du secteur forestier ontarien. Ce programme a investi près de 72 M$ ces dernières années pour fournir aux entreprises forestières les outils et technologies nécessaires afin de créer des emplois et d’accroître la productivité. Concrètement, il finance des projets comme l’achat d’équipements à la fine pointe (ex. scanners à intelligence artificielle pour optimiser le débitage du bois), la modernisation des usines (automatismes, robotique) ou le développement de nouveaux produits en bois à plus haute valeur ajoutée. Par exemple, le gouvernement a annoncé en septembre 2025 une contribution de 5 M$ via son Forest Biomass Program (un autre volet de financement dédié à la biomasse) pour aider une scierie du Nord de l’Ontario à installer un système de tri intelligent qui augmentera sa capacité de production de 12 % tout en réduisant de 25 % le gaspillage de bois et de 21 % les émissions de GES liées. Ces investissements publics visent à « construire un secteur forestier plus résilient dans le Nord, prêt à saisir de nouvelles opportunités et à protéger les bons emplois qui font vivre nos communautés », selon Kevin Holland, le ministre associé ontarien aux Forêts.L’Ontario met également l’accent sur l’entretien des infrastructures stratégiques pour la filière. Un élément crucial en forêt est l’accès aux zones de coupe : à ce titre, la province gère le Provincial Forest Access Roads Funding Program, qui rembourse une partie des coûts de construction et d’entretien des chemins forestiers aux entreprises, au prorata de l’usage public de ces routes. Chaque année, plusieurs dizaines de millions de dollars sont ainsi consacrés à l’entretien d’un réseau de plus de 19 500 km de routes forestières en Ontario. Ce réseau profite non seulement aux entreprises forestières, mais aussi aux communautés autochtones, aux pourvoyeurs touristiques, aux pompiers (accès pour la lutte contre les feux de forêt) et aux autres industries comme les mines. En partageant le coût de ces infrastructures, la province aide à maintenir la compétitivité de l’approvisionnement en bois et garantit un accès aux ressources même dans les zones éloignées.Un autre axe prioritaire est la valorisation de la biomasse forestière résiduelle. L’Ontario encourage les initiatives permettant d’utiliser les sous-produits (branches, copeaux, écorces) qui autrefois étaient brûlés ou laissés sur place. Le Forest Biomass Program mentionné plus haut a justement pour mandat d’appuyer des projets innovants de conversion de biomasse en produits commercialisables (granules de chauffage, biocarburants, etc.). À ce jour, ce programme a soutenu plus de 55 projets à hauteur de 50 M$. Dans la même veine, l’Ontario collabore avec des centres de recherche (FPInnovations, universités) pour explorer des créneaux comme les matériaux de construction en bois massif (panneaux CLT, bois lamellé-croisé) afin de développer un marché local de la construction non résidentielle en bois. L’objectif provincial affiché est autant économique (créer de nouveaux débouchés pour le bois ontarien) qu’environnemental (remplacer des matériaux à forte empreinte carbone par du bois dans la construction, utiliser la biomasse pour de l’énergie renouvelable, etc.).Enfin, l’Ontario ne perd pas de vue l’élément humain. Le secteur forestier y est souvent synonyme d’emplois bien rémunérés dans des régions où les alternatives sont limitées. Pour cette raison, la province a mis sur pied un comité de partenariat fédéral-provincial afin d’identifier de nouvelles mesures de soutien aux travailleurs et aux communautés forestières, particulièrement en cas de ralentissement prolongé lié aux tarifs. Des fonds de transition existent déjà (par exemple pour aider les travailleurs licenciés à se recycler ou pour soutenir les municipalités mono-industrielles à diversifier leur économie), et pourraient être étoffés selon l’évolution du conflit commercial.En somme, l’Ontario aborde la situation en misant sur la modernisation et la diversification. Son industrie forestière, un temps fragilisée, semble repartir sur de nouvelles bases plus robustes, grâce à une collaboration étroite entre le gouvernement et le secteur privé pour innover. Les efforts de protection des emplois et de renforcement de la chaîne de valeur locale (de la forêt aux produits finis) sont au cœur de la stratégie ontarienne, afin que la forêt continue d’être synonyme de prospérité durable pour les régions du Nord.
Conclusion
Le tour d’horizon de ces quatre provinces montre à quel point le secteur forestier canadien est à la fois un pilier économique et un univers en constante adaptation. L’entrée en vigueur de nouveaux tarifs américains exorbitants – jusqu’à 45 % sur le bois d’œuvre et possiblement 50 % sur certains meubles – représente un choc sans précédent qui vient exacerber des défis déjà existants. Partout, les acteurs de l’industrie redoutent des pertes de parts de marché, des fermetures d’installations et des suppressions d’emplois, alors même que de nombreuses communautés dépendent de la forêt pour leur subsistance
Le Canada n’a d’autre choix que d’accélérer l’innovation et la diversification pour réduire sa vulnérabilité.En définitive, la guerre du bois d’œuvre illustre la tension entre le libre-échange et le protectionnisme dans un secteur crucial. Le Canada ne peut se passer de son principal marché, tout comme les États-Unis ont besoin du bois canadien pour combler leurs besoins domestiques. Cette interdépendance finira sans doute par imposer une solution de compromis. D’ici là, l’industrie forestière canadienne, appuyée par les gouvernements, s’adapte et se réinvente. Des forêts de la Colombie-Britannique aux usines de meubles du Québec, en passant par les scieries de l’Ontario et de l’Alberta, c’est toute une filière qui fait preuve de résilience et de détermination pour continuer de prospérer, malgré les obstacles, dans le respect de la ressource et des travailleurs qui en vivent.
C’est pourquoi faire appel à des experts en subventions comme helloDarwin peut réellement faire la différence. Notre équipe se spécialise dans l’identification des meilleures sources de financement selon votre secteur d’activité, vos objectifs de projet et votre région. Nous vous accompagnons à chaque étape — de l’analyse des programmes à la préparation et la soumission des demandes — afin d’optimiser vos chances de succès. Que vous cherchiez à financer un projet d’innovation, à adopter des technologies vertes, à soutenir votre croissance ou à accélérer votre transformation numérique, helloDarwin vous aide à accéder aux bons programmes et à concrétiser vos ambitions.Pour maximiser vos chances d’obtenir du financement et ne laisser passer aucune opportunité, contactez helloDarwin dès aujourd’hui. Nos experts sont là pour simplifier le processus et vous aider à obtenir les subventions que votre entreprise mérite.